Suite de l'atelier proposé par les Archives du Rhône fin décembre 2015 concernant l’histoire d'un lieu. Après un article expliquant comment faire l’histoire d'un lieu privé tel qu'une maison, voici les principales lignes à suivre pour faire l’histoire d'une commune[1]. Comme précédemment, ma présentation sera articulée en deux parties : les principales séries à consulter accompagnées de quelques exemples tirés des Archives du Rhône[2], suivi de la liste descriptive des séries que l'on peut consulter pour reconstituer l’histoire d'une commune.
Les principaux documents à consulter pour faire l'histoire d'une commune
La géographie de la commune sera connue via le plan cadastral (cadastre napoléonien au XIXème siècle en série 3 P) qui permettra de voir l'emplacement des différents bâtiments, les terrains et cours d'eau, ...
La monographie communale rédigée par les instituteurs[3] à la fin du XIXème siècle complétera avantageusement cette vue géographique avec toute une description physique et de la population de la commune (série variable d'une archive départementale à une autre). Malheureusement, les Archives en possédant sont peu nombreuses : voir l'annuaire des sites d'histoire de village sur le site Les sentiers de la mémoire pour savoir quelles AD en possèdent.
Les travaux publics et les transports (routes, chemins de grande communication, chemins de fer, mines, rivières, navigation, dossiers communaux) compléteront la connaissance géographique de la commune. Des détails sur la vie de la commune, son organisation et sa gestion, pourront être observés via les dossiers d'affaires communales, les comptes administratifs, le personnel communal, les dossiers sur les chemins vicinaux : dossiers de travaux, plans, affiches (série O, qui comporte des documents d'Etat et départementaux sur les communes).
Voici par exemple deux extraits du budget de la commune d'Ecully en 1822.
On voit ainsi que près des deux tiers des recettes dépendent de l'obtention de l'ordonnance royale prévue pour suppléer l'insuffisance des revenus communaux (les 1082,51 Francs de recettes extraordinaires correspondant figurent déjà bel et bien au budget). Un petit tiers du budget est procuré par les centimes additionnels à la contribution foncière (562,85 Francs). Finalement, le budget annuel des recettes de la commune d'Ecully qui compte alors 1375 habitants s'élève à près de 1800 Francs.
Le salaire annuel du garde-champêtre de la commune et l'indemnité au vicaire, chacun d'un montant de 300 Francs, représentent près des deux tiers des dépenses ordinaires.
Extrait du budget de la commune d'Ecully (recettes). Cliquer pour zoomer. (Source : AD69, cote Op471)
Extrait du budget de la commune d'Ecully (dépenses).
Cliquer pour zoomer. (Source : AD69, cote Op471)
Le courrier ci-dessous (suivi de sa transcription) est quant à lui tiré des documents relatifs à la gratuité de l'école de garçons portée par le Conseil Municipal en 1879. Ce courrier rédigé par l'Inspecteur d'Académie et adressé au Préfet du département motive de manière assez cocasse l'importance de cette gratuité.
Cliquer pour zoomer. (Source : AD69, cote Op471)
Lyon, le 10 Xbre [décembre] 1879
Monsieur le Préfet,
J'ai l'honneur de vous renvoyer le dossier ci-joint
relatif au vote de la gratuité absolue dans l'école
des garçons laïque d'Ecully et à la fixation du
traitement de l'institeur à la somme de 1500 F.
L'école communale laïque des garçons d'Ecully
a désormais à lutter contre la concurrence d'une
école libre congréganiste gratuite puissamment
patronnée. La lutte serait évidemment impossible
si l'école laïque, demeurant payante, n'était dirigée
par un sujet capable, à qui il convient d'assurer
un traitement convenable.
On ne peut que louer le Conseil Municipal d'Ecully
de l'avoir compris ; les améliorations votées par lui
devant être réalisées au moyen des ressources propres de la
commune, Je ne puis que donner mon adhésion la plus
complète à la délibération du dit Conseil.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l'assurance
de mes sentiments respectueux et dévoués.
L'Inspecteur d'Académie
signé Courri...
Les archives communales déposées par les communes (série E-dépôt) permettront d'en savoir plus sur l'organisation et la vie de la commune, vue de l'intérieur. Cette vision pourra être encore plus vivante grâce aux bulletins paroissiaux et municipaux (série PER). Des cartes postales permettront d'avoir une représentation concrète de lieux de la communes (Série Fi ou toutes sources de cartes postales anciennes).
Les impôts et taxes perçus par la communes pourront être approchés via les séries de l'Ancien régime 3 C et 4 C (impôts directs et indirects), la série de l'époque révolutionnaire 1 L (impôts et taxes).
La population et son évolution au fil du temps seront connus via les recensements (série 6 M) qui listent les habitants de chaque foyer avec plus ou moins de détail au fil du temps, ainsi que via les listes d'électeurs (série 3 M).
Liste des séries d'Archives et de leur contenu pour faire l'histoire d'une commune
Les séries modernes et contemporaines
Ces séries, leur contenus et leurs cotations, sont relativement homogènes d'un service d'Archives départementales à un autre. On pourra donc assez facilement retrouver les mêmes informations pour le département qui nous intéresse.
Série M : administration générale et économie
- Sous-série 3 M : électeurs
- Sous-série 6 M : recensements
Série O : administration communale
Il s'agit de documents concernant les communes mais déposés par d'autres Administrations telles que la Préfecture : affaires communales, comptes administratifs, personnel communal, chemins vicinaux (dossiers de travaux, plans, affiches).
Série P : finances, cadastres, postes
- Sous-série 3 P : cadastre napoléonien
Réalisé dans la première moitié du XIXème siècle, une seule fois pour chaque commune. Sont disponibles aux AD : plan cadastral et matrices. - Sous-série W : cadastre rénové
Mise à jour du premier cadastre effectuée dans le courant du XXème siècle. Seules les matrices sont disponibles (pour le département du Rhône, à voir au cas par cas ailleurs), les plans étant encore aux services du Cadastre.
Série Q : Domaines, enregistrements, hypothèques
- Sous-série 3 Q : Enregistrements
Actes civils publics, actes judiciaires, actes d'huissiers, actes administratifs.
Les documents sont classés par bureau (zone géographique rassemblant plusieurs communes). Les limites de ces bureaux ont beaucoup changé au cours du temps, un même lieu pourra donc figurer dans les archives de différents bureaux successivement.
Série S : Travaux publics et transports
Cette série comporte des documents relatifs aux routes, chemins de grande communication, chemins de fer, mines, rivières, navigation, dossiers communaux.
Série T : Enseignement, affaires culturelles, sports
- Sous-série 1 T : bâtiments scolaires (construction, travaux)
- Sous-série 4 T : fouilles archéologiques
Série U : Justice
- Registres du commerce et des sociétés, dossiers des commerçants et des sociétés.
Les séries anciennes
Le contenu de ces séries est un peu plus hétérogène d'un service d'Archives à l'autre, que les séries de l'époque moderne. On ne retrouvera donc pas forcément les mêmes types de contenu dans le même cadre de classement dans les différentes Archives.
Série B : Cours et juridictions de l'Ancien Régime
Donations, substitutions, adjudications, insinuations (ancêtres des hypothèques).
Série C : Administrations provinciales de l'Ancien Régime
- Sous-série 3 C et 4 C : impôts directs et indirects, classés par commune.
Série L : Fonds de l'époque révolutionnaire
- Sous-série 1 L : impôts et taxes, ponts et chaussées.
- Sous-série 5 L à 30 L : gestion communale (municipalités de cantons).
Séries de toutes périodes
Série E-dépôt : archives communales déposées par les communes
Cette série pourra être plus ou moins documentée selon les communes. Précisons que le Code du patrimoine prescrit le dépôt obligatoire pour les communes de de moins de 2000 habitants des archives communales anciennes : état civil de plus de 150 ans, plans et registres cadastraux ayant cessé d’être en
service depuis au moins 30 ans et autres documents de plus de 100 ans. Les communes de plus de 2000 habitants peuvent déposer leurs archives aux Archives départementales afin de leur offrir de meilleurs conditions de conservation, ou suite à une mesure prescrite d'office par le Préfet lorsque les conditions de conservation des documents ne sont pas satisfaisantes.
Série J : archives privées
Cette série étant composée d'archives déposées par des particuliers, des entreprises et sociétés, des architectes, leur contenu peut être très variable. A titre d'exemple, les Archives du Rhône possèdent des fonds de plusieurs architectes, avec des plans de villes ou de quartiers.
Fonds divers
- Série PER : Les bulletins municipaux ou les bulletins paroissiaux permettront de voir la commune sous un aspect vivant.
Le site Internet des Archives du Rhône ayant des modules de recherches particulièrement efficaces (par thème ou par cadre de classement), je ne saurais que trop vous conseiller d'y jeter un œil pour en savoir plus. Certains instruments de recherche sont en ligne et permettent de préparer efficacement ses recherches.
A suivre dans un prochain article : faire l'histoire d'un édifice public.
[1] Le hasard fait que le jour où j'ai rédigé cet article, j'ai reçu dans ma boîte aux lettres un prospectus pour commander le livre de plus de 100 ans d'histoire de ma commune qui vient de sortir et rédigé par la Société d'histoire de celle-ci !
[2] J'ai profité de la rédaction de cet article pour aller y consulter des séries que je n'avais encore jamais exploitées.
[3] Sujet non abordé au cours de l'atelier.
Sources :
- première image d'illustration : Delcampe
- Ecully sur Wikipedia
- Archives départementales du Rhône et de la Métropole de Lyon