Une bataille de clocher...
Suite des actes extraordinaires trouvés par hasard au fil de mes recherches : aujourd'hui, je vais vous parler des mésaventures survenues au registre de l'année 1777 de Chasselay (Rhône), ou plus exactement de la querelle qu'elles ont engendré entre les deux curés de la paroisse.
Tout a commencé avec un registre bien mal en point, comme le montrent ci-dessous les photos des premières pages.
On peut distinguer, ajouté dans la marge du haut de la première page complète (vue 3 du registre, ci-dessus), la mention suivante écrite de la main du curé Gaudin :
les actes précédents ont été apportés à la fin du registre attendus que
par accident ils ont été lacérés par un chien. v. la fin 11-v ??-12- ?
Alternent ensuite les écritures de deux personnes : le curé Gaudin, à la graphie assez peu soignée, et le prête et vicaire Bertier, dont la graphie est l'opposé de la précédente (rares sont d'ailleurs des écritures aussi nettes et lisibles pour l'époque !)... L'application à l'écriture ne devait pas être la seule chose qui opposait ces deux personnes...
En bas de la page où a été ajouté le commentaire de Gaudin, le dernier acte (qu'il avait rédigé) est entièrement rayé, d'une grande croix.
Rien de spécial sur les deux pages suivantes où alternent toujours les actes rédigés par Gaudin et Bertier, puis, à la suite de l'un d'eux, Gaudin écrit (extrait de la vue 5 du registre, photo ci-dessous) :
Le dix neuf avril mi sept cent soixante et dix sept
étant arrivé de la ville de lyons ou des affaires essentielles
m'avaient appelé et ayant fait la revue des registres
de mon église parroissialle j'y ay trouvé un acte
Battonné et plusieurs déchirés ainsy que la demande
de Mr le lieutenant Général[1], en conséquence j'ay fait
le présent verbal pour savoir ce que de raison
a chasselay les jours étant que dessus. Signé : Gaudin curé
Suit un texte écrit de la main de Bertier (et rayé de trois croix... allez, laissez-moi deviner... par Gaudin ?) :
Le vingt cinq avril mil sept cent soixante et dix sept ayant ouvert le registre et que l'Observation
faite audessus pour curé jai vérifié et rendu Témoignage à La vérité je me suis [?] obligé de déclarer que les dits registres
ayant été déposés par moi en lieu sur et convenable ont été alors lacérés par un chien appartenant au sieur Curé et
que le soi-disant acte Batonné n'ayant pu être signés pour de bonnes raisons a été répété incontiment ? après en bonne
forme. J'ai dit soi disant parce qu'un acte dépourvu de signature est un acte informe et éronérilé [?] par le nom.
Le présent verbal fait à Chasselay le vingt cinq avril 1777. Signé : Bertier Prêtre et Vicaire
Suit un acte de baptême rédigé par Bertier.
Mais Gaudin ne s'en laisse pas conter, et il poursuit en ajoutant un texte dans la marge du bas de la même page :
# note que si le chien n'avait pas été fermé avec les registres
il ne les aurait pas lacérés.
Et bien voilà ! C'est la faute du chien de Gaudin, mais si Bertier ne l'avait pas laissé avec les registres, mais si Gaudin n'était pas parti à Lyon pour des affaires essentielles, et si..., et si ..., tout cela ne serait pas arrivé !...
Quoi qu'il en soit, l'un des deux curés s'est coltiné, en fin de registre, la réécriture de tous les actes disparus. Alors qui a perdu ?!... Le propriétaire du chien, ou celui qui l'avait laissé enfermé avec les registres ?!...
Et bien c'est Gaudin qui s'est attelé à la tâche, non sans en profiter pour ajouter une petite pointe véhémente subtilement placée à l'égard du greffe qui a dû l'inciter à accomplir sa mission de tenue correcte des registres[2] (extrait de la vue 13 du registre) :
je soussigné curé de la paroisse de
chasselay et de chazey en lyonnais #
fidellement pris et copiés pour l'expédition
originalle qui a été envoyée ensuitte par moy
au greffe monarchiste de la Senechaussée de lyonnais
les douze actes cy dessus écrits et qui manquent
au commencement du registre pour les tous
y contenir. lesquels j ay transcrits pour la ditte
copie pour servir en cas de Besoin, fait
à chasselay au mont d'or ce neuf février
mil sept cent soixante et dix huit
# j ay dis avoir Signé : Gaudin curé
Cette petite guéguerre entre les deux curés qui prête à sourire reflète très probablement une certaine mésentente entre les deux protagonistes. Etait-ce une bataille de rang ? Une incompatibilité d'humeur ?... Dieu seul sait !...
[1] Le registre de la collection départementale est arrêté par "Le Lieutenant général en la Sénéchaussée de Lyon"
[2] La collection communale est d'ailleurs particulièrement lacunaire avant et après 1777
Source :
Archives départementales du Rhône, Registre BMS de Chasselay de 1777 (collection communale), cote 49 GG 5
Source de la photo d'introduction (chiens) :
Fotolia.com © ksuksa