Suite des actes extraordinaires trouvés au fil de mes lectures des registres et des registres des prêtres de la Paroisse Saint-François du Havre.
Un siècle plus tard, la rigueur semble toujours de mise. Il s'agit aujourd'hui du prêtre de la fin du XVIIIème siècle qui a suivi les pas d'E. Harmond de mon précédent billet. Nous allons découvrir un gestionnaire rigoureux de ses registres paroissiaux, mettant en place un système alphabétique très pratique pour les généalogistes, puis une certaine fierté du même ou de l'un de ses successeurs, probalement soucieux de limiter les mariages consanguins.
Voici la photo de la cinquième page du registre de 1668-1772 rédigé probablement à la fin de cette période, suivi de sa transcription.
Avis au Lecteur
Voyant la difficulté de trouver les extraits de Baptêmes, mariages, et inhuma-
tions, je me suis proposé de faire Recueïl en forme de dictionnaire, tant
pour l'utilité du public que de celui qui est chargé d'en faire La Recherche, aussi
pour l'intelligence de ce petit ouvrage, il est nécessaire de Remarquer que la première
petite Colonne de Chaque page, n'est remplie que de trois lettres qui sont repetées,
telles que . . b . . qui signifie Baptême . . M . . Mariage et . . I . . inhumation, et ainssi
des autres Lettres dans la même Colonne. Dans la seconde Colonne qui suit celle des
trois lettres, sont marquez les noms de Baptême des personnes nées, mariées, et décédées.
Dans la Colonne suivante où est la Grande lettre sont les noms des familles par
les quels il faut faire La Recherche des Extraits que l'on aura Besoin, et non
par les noms de Baptême. Dans la quatrième Grande Colonne sont écris les
noms des pères et mères des personnes nées et décédées avec les noms des femmes mariées
ainsi que Ceux des maris et femmes décédés. Dans la Cinquième est L'âge des
personnes décédés. Dans la Sixième, Septième et huitième Sont marqués les jours,
Les mois, et Les années aux quels les personnes sont Baptisés, mariés et inhumés.
Il est aussi Nécessaire de faire attention qu'il se trouve deux signes en Marge.
en faisant des Recherches, Le Premier est une étoille telle que . . * . . qui
annonce d'un Coup d'oeil la mort des prestres et Ecclesiastiques de tous les ordres.
Le Second est une petitte Croix telle que . . . + . . qui annonce tous les enfans nés
illégitimes ; il faut en même temps faire attention de ne pas Chercher les extraits de
ces enfans par le nom du père, mais par le nom de famille de la mère, quoi
qu'il y en a Cependant quelques uns qui Sont au nom du père, mais ils sont très
Rares. Il faut observer que les Extraits mortuaires des Enfans décédés Sans
avoir reçû Les Cérémonies du Baptême, ne Sont Point Mentionnés dans ces deux
volumes Comme n'étant d'aucune utilité, il auroit été inutile de les écrire....
Le généalogiste aguerri ne sera pas étonné de la dernière phrase, qui montre noir sur blanc l'impérieuse nécessité pour un nouveau-né d'être baptisé, au risque sinon d'être "inutile"... Les petites croix permettant d'identifier les écclesiastiques et les enfants illégitimes montrent elles aussi l'importance de la religion et des bonnes mœurs.
Quoi qu'il en soit, voici le début de sa table. Admirez le travail !
Le nom de notre bon curé ne peut même pas rester dans la postérité, puisqu'il n'a pas signé le registre. Mais comme les Havrais d'origine y trouveront leur compte pour la grande facilité avec laquelle ils pourront rechercher des individus, qu'il soit félicité pour cette innovation (même si je ne sais pas ce que sont devenus les actes complets...) !
Venons-en à la fierté ou du moins l'ambition du même prêtre (la graphie des deux registres semble être comparable) ou de son successeur, les remerciements des généalogistes lui iraient sûrement droit au coeur.
Il s'agit maintenant du registre de 1773 à 1792. Si le précédent commençait avec le Code Louis, celui-ci s'arrête avec le décret confiant la tenue des registres d'Etat civil aux municipalités.
La photo de la quatrième page du registre de 1773 est suivie de sa transcription.
Avis au Lecteur
Il est a remarquer que dans ce supplément l'on peut faire aussi bien La Recherche des mariages par le nom de famille de la femme que par
Celui de l'homme. La raison en est qu'étant inscrits sous chaque nom et
Lettre, ils suppléront aux Connaissances imparfaites des Requérants. Comme
La pluspart ne Connaissent que leur ayeulle ou Bisayeulle et sans savoir
qui elles ont épousé, ils pourront par le moyen de Cet ouvrage, Chercher Le
mariage de la femme qu'ils requerent, et pour alors il leur indiquera l'homme
qu'elle a épousé ; Le Nom de l'homme à le même avantage il indiquera
pareillement le nom de la femme qu'il a épousée : ainssi il est indifférent de chercher
par le nom de l'homme ou de la femme ; il ne faut seulement s'en arreter qu'à la
Connaissance que l'on à sur ce sujet. Les Enfants ondoyés et morts sans avoir reçû
Les Cérémonies du Baptême sont aussi mentionnés dans ces deux derniers volumes,
et l'on en peut faire la Recherche par le nom de famille du père, ou s'ils sont
Batards par Celui de la mère. Les autres Recherches se feront comme dans les
deux premiers Volumes.
Je me flatte que tous ceux qui auront la déposition des Registres après moi
Continueront de Rendre service à l'Eglise et au Public, en suivant d'an en an La
marche que leur indique le dit ouvrage. Le But que je me suis proposé, est d'autant
plus utile pour mes successeurs, qu'ils seront Exempts de toutes recherches ; c'est pourquoi je
Laisse en Blanc Le papier nécessaire pour chaque Lettre qui se trouvera a remplir jusqu'à
la plénitude des dits volumes. Ils doivent estre persuadés que leur peine et Générositées
leurs procureront sinon une Récompense vénale, au moins uneRécompensereconnaissance
Certaine dans tous les cœurs et dans l'Eternité.
Gme Le Roux Ptre clerc des sacrements en l'Eglise de Saint
françois du havre de Grace fecit 1779
On peut constater un certain progrès par rapport au précédent registre : cette fois, les enfants morts sans être baptisés sont inscrits dans le registre. Il s'agit toutefois d'un progrès relatif puisque ne sont évoqués que les enfants ondoyés[1]...
Par ailleurs, on peut supposer que la motivation première du curé était d'éviter les mariages consanguins en facilitant à chacun les recherches de ses aïeux. N'est-il finalement ainsi pas un "précurseur" de la généalogie ?!...
Si une certaine fierté transpire à travers les dernières phrases de son texte explicatif, il n'en demeure pas moins que sa table alphabétique détaillée est, comme il le suggère, d'un usage très pratique pour ceux qui la lisent des (centaines d')années après...
[1] L'ondoiement est une cérémonie simplifiée du baptême utilisée en cas de risque imminent de décès et qui se limite à verser de l’eau sur la tête de la personne en prononçant les paroles sacramentelles : "Je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit".
Sources :
Archives départementales de Seine-Maritime :
- Registre BMS 1668-1772, Le Havre - Paroisse St-François, cote 3E00999, vue 5/230
- Registre BMS 1773-1792, Le Havre - Paroisse St-François, cote 3E00999, vue 4/134
Ondoiement sur Wikipedia
Source de la première photo :
Flickr, © Paul Allais